Logement Ces Français qui habitent une zone à risques
Logement
Ces Français qui habitent une zone à risques
L’État met en place de nombreux plans de prévention des risques technologiques (PPRT) dans des centaines de communes en France. Objectif : sécuriser les logements des zones les plus exposées en y réalisant des travaux ou en invitant les habitants les plus touchés à les abandonner. Ces démarches ont un coût, pour les particuliers comme pour les entreprises et les communes concernées. Décryptage d’une situation encore trop méconnue.
Ce matin du vendredi 21 septembre 2001, tous les regards sont encore tournés vers les États-Unis. Dix jours plus tôt, ils ont été frappés au cœur par Al-Qaïda. À New-York, les tours jumelles, les twin towers, sont à terre tandis qu’à Washington, le Pentagone (ministère de la Défense) est éventré. Le monde est en état de choc…
Ce matin du 21 septembre 2001, la journée est déjà bien entamée à Toulouse et dans son agglomération. À 10 h 17, une énorme déflagration secoue la région. Environ 300 tonnes d’ammonitrate viennent d’exploser dans le complexe chimique d’AZF, en périphérie de la Ville rose. Autour du site, c’est un champ de ruines. Plus loin, les fenêtres de milliers de logements ont volé en éclats. Le bilan humain est très lourd : 31 morts et 2 500 blessés. Vu le contexte, beaucoup pensent à un attentat. Cette thèse est vite écartée, ce que confirmera l’enquête : la France vient bel et bien de connaître une catastrophe industrielle majeure (1).
LA RÉPONSE À L’EXPLOSION D’AZF, LES PPRT !
Très vite, la sécurité des sites de production et de stockage (usines chimiques, raffineries, dépôts de matières dangereuses, zones portuaires…) alimente le débat. Pour calmer le jeu et apporter une réponse aux inquiétudes que le drame d’AZF a suscitées, les pouvoirs publics sortent l’arme législative. Le processus aboutit à la loi du 30 juillet 2003, un texte majeur qui crée les PPRT, les plans de prévention contre les risques technologiques (explosion, incendie, nuage toxique…).
Jusque-là, pour organiser la sécurisation des zones accueillant des usines à risques, la France se référait aux directives européennes dites Seveso (2). Les dispositions qu’elles contiennent sont intégrées à la législation française qui, certifie le gouvernement de l’époque, va plus loin. « Sur le sujet, nous avons désormais une législation très complète », abonde Delphine Favre, déléguée générale d’Amaris, l’association des collectivités pour les risques technologiques majeurs. Elle précise : « La loi de 2003 a davantage impliqué les élus locaux. Elle pose la question de savoir comment on intègre les risques industriels dans les politiques d’aménagement du territoire ».
L’explosion d’AZF ayant soulevé la question de l’existence de sites potentiellement dangereux à proximité de gros bassins de population, la révision et/ou la maîtrise de l’urbanisme est en effet la clé de voûte du dispositif. Ce qui a des conséquences pour de nombreux riverains. « Un PPRT, c’est un bulldozer. Les habitants concernés sont tenus à l’écart », dénonce Michel Le Cler, porte-parole de la coordination nationale des associations riveraines de sites Seveso. Lui-même habite Donges (44), à proximité d’une raffinerie Total.
« Ici, le PPRT a été approuvé en 2014, poursuit l’enseignant à la retraite. Mais cela s’est fait dans la discrétion. Nous avons découvert que le processus était enclenché presque par hasard quand nous avons constaté que des maisons avaient été murées. » En principe, les habitants sont pourtant associés à la création des PPRT via l’enquête publique et une commission de suivi des sites (CSS) dans laquelle ils sont représentés. « Mais c’est une concertation de façade », déplore Michel Le Cler.
Et si le PPRT est « un bulldozer », il avance lentement ! La loi avait fixé une limite : tous les plans devaient avoir été approuvés avant 2008. Le délai n’a pas été respecté. Huit ans plus tard, Ségolène Royal, ministre du Développement durable, l’affirme : à fin 2016, 97 % des quelque 400 plans de prévention des risques technologiques prévus auraient dû être bouclés (825 communes concernées). Et l’un des plus gros projets, celui de la Vallée de la chimie, au sud de Lyon (69), vient d’être approuvé.
Au demeurant, tous ces retards ne sont-ils pas logiques et normaux ? On peut en tout cas aisément les expliquer. Car, avant qu’un PPRT ne soit approuvé et traduit en actes, ce qui va être maintenant le cas pour la majorité d’entre eux, plusieurs étapes doivent être franchies.
DE L’ÉLABORATION DU PLAN À SA MISE EN ŒUVRE
Au tout début, c’est l’industriel générateur du risque qui enclenche la procédure. « Il entreprend une étude de danger et décrit les moyens qu’il entend mettre en place pour le réduire, décrypte Delphine Favre. Il faut toutefois que les mesures à prendre soient économiquement acceptables ».
Les services de l’État prennent ensuite le relais pour dessiner plusieurs périmètres de protection avec, évidemment, leurs lots de marchandages, tractations, pressions… Chacun défendant ses intérêts : l’État joue à fond son rôle préventif, les collectivités locales entendent préserver le développement économique de leur territoire et les entreprises proches de l’infrastructure potentiellement dangereuse ne veulent pas se voir imposer des contraintes trop coûteuses pour se protéger.
« Dans notre agglomération, nous avons une douzaine de sites Seveso : on vit avec le risque depuis des décennies, note Patrice Vergriete, maire de Dunkerque (59) et président de la communauté urbaine (voir reportage). Notre PPRT a été approuvé en décembre 2015. Et c’est vrai : certaines des prescriptions décidées dans un bureau ont pu nous agacer ! »
Une fois le PPRT élaboré, il est approuvé par arrêté préfectoral. Et comme avec toute cartographie, les traits tracés pour délimiter les périmètres « de risques » et les mesures qui vont avec provoquent des incompréhensions. « La maison à 30 m de chez moi est touchée par le PPRT, pas la mienne, ironise Michel Le Cler. En réalité, je doute que je sois moins exposé ! » Il est néanmoins rare que ces plans soient attaqués devant les juridictions administratives par les habitants. La matière est complexe et le recours suppose d’engager des frais (avocat, experts). Il reste alors le plus délicat : mettre en œuvre le PPRT.
DES TRAVAUX IMPOSÉS AUX PARTICULIERS
On estime que de 20 000 à 30 000 logements sont concernés par des prescriptions des différents plans de prévention des risques technologiques. En fonction de la zone de danger dans laquelle ils se situent, leurs occupants peuvent être expropriés, frappés par une mesure de délaissement ou être tenus d’effectuer des travaux de sécurisation (voir encadré). Dans les faits, c’est cette dernière solution qui est la plus souvent ordonnée. Les propriétaires des habitations concernées doivent d’abord faire établir un diagnostic par un spécialiste. En général, il s’agit de renforcer les fenêtres. Les mesures prescrites sont à réaliser dans les huit ans (ou avant le 1er janvier 2021 pour les PPRT approuvés antérieurement au 1er janvier 2013). D’un point de vue juridique, que se passerait-il si elles n’étaient pas exécutées ? En théorie, une amende de 6 000 € maximum et des difficultés d’indemnisation par l’assurance si un sinistre survenait. Par ailleurs, lorsque le logement est mis en vente ou loué, le propriétaire doit fournir un document appelé « État des risques naturels et technologiques », établi moins de six mois avant la signature du contrat de vente ou de location (il est ensuite joint à l’acte de vente ou au bail).
Pour sécuriser leur habitation, les particuliers bénéficient d’une aide financière. Dans la limite de 20 000 € « ou de 10 % de la valeur vénale » du bien, les travaux sont pris en charge à hauteur de 90 % par l’entreprise à risque, l’État et les collectivités locales (voir reportage). Les 10 % restants devant être versés par le propriétaire de l’habitation. Mais il arrive que l’industriel ou la collectivité les paie. « Les pouvoirs publics ont beau jeu d’affirmer que l’opération est neutre pour les habitants, contraints d’effectuer des travaux pour un risque dont ils ne sont pas responsables, bondit Michel Le Cler. Or, s’ils peuvent librement choisir l’entreprise qui interviendra, ils doivent faire l’avance des frais avant d’être remboursés. Et puis, il faut faire des choix. Le diagnostic peut par exemple avoir conclu que huit fenêtres doivent être sécurisées. Pour ne pas dépasser le plafond, il faudra peut-être en sacrifier deux, sauf à en être de sa poche ».
Plus difficile à estimer, la dépréciation du logement qui serait mis en vente. Une étude de la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) de Haute-Normandie indiquait qu’un PPRT n’induira pas nécessairement une diminution du prix de l’immobilier, tout en précisant qu’il pourrait néanmoins entraîner une augmentation de l’assurance multirisque habitation. « Sa mise en œuvre s’accompagne en revanche d’une diminution du risque lié à la présence du site dangereux », relève pourtant l’étude.
L’EFFICACITÉ DES MESURES DE PROTECTION EN QUESTION
Mais en est-on si sûr ? Les mesures imposées aux riverains de l’installation industrielle seraient-elles réellement efficaces si l’accident survenait ? « Oui, estime Delphine Favre (d’Amaris). Pour s’en convaincre, il suffit par exemple de regarder les résultats des essais effectués par l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel) sur des fenêtres dont le vitrage, le cadre et l’ancrage ont été renforcés ». Sandra Decelle-Lamothe, qui assiste les collectivités locales dans la conduite d’un PPRT, apporte un autre éclairage. « Ces plans ne sont pas une protection de papier, dit-elle. Ils améliorent réellement la protection des populations. Les entreprises génératrices de risques les ont réduits à la source en investissant des centaines de millions d’euros. C’est à cela qu’ont servi les douze années qui se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur de la loi portant création des PPRT ».
Ces derniers ont par ailleurs eu pour conséquence d’affiner ou d’entraîner la révision de plans « cousins », tels les plans communaux de sauvegarde (évacuation ou confinement des populations), les plans d’intervention des secours…
Les habitants soumis à un PPRT sont quant à eux plus circonspects. « De toutes les façons, si ça pète, tout pète et nous avec », tranche ce retraité de Feyzin (69). Comme pour abonder dans son sens, la Dreal de Haute-Normandie reconnaît, sur son site Internet, que « la protection imposée n’est pas absolue. Elle peut même devenir inopérante en cas d’accident grave ». Ajoutons que la cartographie d’un PPRT est basée sur des modélisations, des simulations. Pas sur des certitudes. Bref, il faudrait que le risque se réalise pour vérifier la justesse des « prévisions » ! Plein de bon sens, des administrés relèvent aussi ce paradoxe : on leur demande de mieux protéger leur logement, alors que parfois des autoroutes ou des lignes de train très fréquentées continuent de courir au milieu de zones réputées dangereuses, sans qu’il soit pour autant prévu de les déplacer. « Ceux qui doivent faire des travaux au titre d’un PPRT ont appris à vivre avec des bombes potentielles sous leurs fenêtres. Ils sont finalement davantage préoccupés par les démarches qu’ils ont à accomplir pour obtenir les aides financières que par la protection de leur intégrité physique », constate Cédric Ghesquières, directeur général ville et environnement à la communauté urbaine de Dunkerque. Et si les plans de prévention des risques technologiques étaient d’abord une question d’argent ?
PPRT, MODE D’EMPLOI
Quelles mesures ?
• Un PPRT prévoit une série de dispositions touchant à la maîtrise du foncier. Il est annexé au Plu (plan local d’urbanisme). Il prévoit trois périmètres de protection. Les deux tiers des PPRT ont des conséquences pour moins de 50 logements privés.
• Un secteur d’expropriation (zone rouge). Les habitants concernés doivent abandonner leur maison qui a vocation à être détruite. De plus, la zone est « gelée » : il n’est plus possible de construire.
• Un secteur de délaissement (zone jaune). Les propriétaires concernés peuvent mettre en demeure la commune de leur racheter leur maison. S’ils décident néanmoins de rester, ils devront effectuer divers travaux de renforcement et de protection. Ce droit au délaissement peut être exercé pendant six ans.
• Un secteur de « prescriptions » (zone bleue ou verte). Dans ce périmètre, les logements font l’objet de travaux de protection correspondant à la nature du risque visé par le PPRT. Ainsi, pour un risque d’explosion, il faut remplacer les vitrages simples par des vitrages feuilletés, renforcer le cadre et l’ancrage des fenêtres. Face à un risque chimique, un local de confinement aménagé dans la maison peut être exigé.
Quelles indemnisations et aides financières ?
En cas d’expropriation, l’administration des Domaines ne doit pas tenir compte, dans la fixation du prix, de la dépréciation du logement lié à la présence d’un « site Seveso ». Cette règle vaut également pour le délaissement. L’entreprise génératrice du risque, l’État et la collectivité locale financent, pour un tiers chacun, le prix payé. Le plus fréquemment, ce sont des mesures de renforcement de l’habitat qui sont prescrites par les PPRT. Pour le diagnostic préalable puis la réalisation des travaux, les propriétaires des logements bénéficient d’une aide financière, sans condition de ressources (1). Elle couvre 90 % de la dépense, dans la limite de 20 000 € ou de 10 % de la valeur vénale du bien. L’aide se décompose comme suit : 40 % sont pris en charge par l’État sous forme de crédit d’impôt, la collectivité locale et l’entreprise à l’origine du risque versant chacune une participation directe de 25 %. Les particuliers doivent faire l’avance (remboursement sur factures). Ils peuvent s’adresser à l’entreprise de leur choix et ont huit ans pour effectuer les travaux prescrits. Ces aides sont-elles suffisantes ? Les PPRT n’étant pas encore véritablement entrés dans leur phase active, on manque de recul. « Mais sur 90 logements déjà traités, l’enveloppe était suffisante », affirme Delphine Favre (Amaris).
(1) Il est possible de solliciter une aide complémentaire auprès de l’Anah (Agence nationale de l’habitat), accessible sous conditions de ressources (ménages les plus modestes). Si elle est accordée, elle peut couvrir le reste à charge de 10 %, mais aussi les études pré-opérationnelles et les travaux d’amélioration classique de l’habitat (isolation, par exemple).
Quand un PPRT vous tombe dessus…
Les 600 sites industriels classés Seveso 1 (haut risque) ou 2 (bas risque) ont été « repris » par les 400 PPRT qui, pour la plupart d’entre eux ont aujourd’hui été approuvés. La concertation (enquête publique, notamment) et l’information des riverains ont toutefois pu être défaillantes. Comme nous avons pu le constater lors de cette enquête, certains ignorent qu’un plan est en cours d’élaboration ou déjà bouclé dans leur commune… alors même qu’ils sont impactés. Pour en connaître les détails et constituer un dossier relatif aux aides financières liées à ce PPRT, il faut s’adresser à la mairie, la communauté urbaine ou à la Dreal (Direction régionale de l’environnement et de l’amélioration du logement).
3 questions à Sandra Decelle-Lamothe, Directrice de l’Agence Edel, à Lyon (69), spécialisée dans le conseil aux collectivités sur les risques majeurs
Que Choisir Argent : Les collectivités n’ont-elles pas cherché à réduire la surface des « zones de danger » lors de l’élaboration du PPRT ?
Sandra Decelle-Lamothe : L’une des premières questions que se sont posées les collectivités a été : « Combien va me coûter un PPRT ? ». Car en même temps que la loi leur donnait davantage de prérogatives dans la gestion et la maîtrise des risques industriels sur leur territoire, elle leur a aussi transféré une partie de la charge financière puisqu’elles doivent financer des dépenses de travaux de protection imposés aux riverains. Mais les élus locaux ont admis qu’il fallait maîtriser et limiter l’urbanisation qui était devenue trop importante autour des « sites Seveso ». L’État, qui instruit les PPRT, avait conscience de cette situation. De fait, s’il y a pu avoir des discussions et des tensions, ses services n’ont pas tellement voulu transiger !
QCA : Des associations de riverains estiment que la loi sur les PPRT est à leur égard « injuste, inadaptée et discriminatoire ». Que peut-on leur répondre ?
S. D-L. : Il faut que les riverains prennent conscience que le dispositif mis en place les prend bien en main. Le budget global – alimenté par l’État, les collectivités locales et l’industriel –, qui leur est attribué pour la réalisation des travaux prescrits, est loin d’être négligeable, surtout si l’on compare
leur sort à celui réservé aux entreprises se trouvant dans la zone d’activité qui accueille le site dangereux.
QCA : Justement, un PPRT ne risque-t-il pas de freiner ou de dégrader le développement économique d’une commune, ce qui contribuerait à l’appauvrir ?
S. D-L. : Les années qui ont suivi la loi de 2003 instituant les PPRT ont permis de corriger les blocages apparus lors de leur élaboration. À l’origine, il était prévu que les sociétés situées dans les périmètres de danger accomplissent à leurs frais des travaux pour sécuriser leurs locaux, pour protéger leurs salariés. Elles ne pouvaient prétendre à aucune aide. Certaines d’entre elles pouvaient dès lors envisager de partir. La situation a été corrigée par une ordonnance de 2015 : cette obligation spécifique a disparu. Mais le chef d’entreprise reste responsable de la protection et de la sécurité de ses salariés au titre du droit du travail. C’est donc à lui de prendre les mesures qui s’imposent. Dans plusieurs endroits comme à Bassens (33), un dispositif a été mis en place par les collectivités pour les accompagner dans cette démarche. Et un PPRT n’a pas forcément pour conséquence de freiner le développement économique. Aux communes de faire preuve d’initiative en promouvant, notamment, l’accueil d’entreprises « PPRT compatibles ». Par exemple, des PME/PMI dont l’activité est connexe à celle du site industriel à risques.
REPORTAGE
Vallée de la chimie (Rhône)
Une population assez indifférente
Yves Blein est député-maire (PS) de Feyzin (Rhône), dans la Vallée de la chimie. C’est donc tout naturellement qu’il s’est intéressé à la gestion des risques industriels et à l’application de la loi de 2003 sur les PPRT. À la tête d’Amaris, une association qui conseille les collectivités sur ces questions, il a par exemple milité pour que les mesures qu’un PPRT impose aux entreprises situées près du site pourvoyeur du risque soient assouplies (voir interview). Il faut dire qu’avec d’autres communes du sud lyonnais (Pierre-Bénite, Saint-Fons…), Feyzin fait l’objet d’un des plus gros PPRT à mettre en place : il impacte environ 5 000 logements privés et une myriade d’équipements publics et de sociétés. Le plan a été approuvé fin octobre 2016 par arrêté préfectoral. Les habitants, installés là depuis longtemps pour beaucoup d’entre eux, connaissent les dangers potentiels qui planent au-dessus de leur tête. Et ils ont appris à vivre avec (1) ! Dans la ville, des panneaux leur indiquent ainsi les voies d’évacuation à suivre en cas d’alerte. Alors, ce n’est pas un PPRT qui semble les « perturber ». « Le PPRT ? Jamais entendu parler », avoue cette habitante de Feyzin dont la rue finit sur l’autoroute qui longe la raffinerie Total, « l’acteur » industriel majeur du dispositif. Gérard G. semble, de son côté, davantage au courant. Sa maison offre une vue imprenable sur le site pétrolier. Et le retraité bougonne : « En application de ce plan, il va falloir que je renforce les fenêtres des deux côtés de la maison. C’est ridicule et ça ne sert à rien ! Seules celles qui donnent sur la raffinerie devraient l’être ». Et il regrette qu’il y ait encore beaucoup de flou autour de ce PPRT. « L’école primaire d’à côté a été fermée pour être reconstruite plus loin aux frais de Total et je crois que, un peu plus loin dans ma rue, neuf logements vont devoir être détruits, précise Gérard G. Au départ, la zone de prescription des travaux était plus large, mais comme cela aurait coûté trop cher aux « payeurs » (État, collectivités, industriels à l’origine du risque, ndlr), elle a été réduite ! » Paroles d’habitants que la portée et la nécessité d’un plan de prévention des risques industriels dépassent un peu… Un cas sans doute loin d’être propre à Feyzin.
(1) Le 4 janvier 1966, une explosion survient dans la raffinerie : 18 morts (dont 11 pompiers), 84 blessés et près de 1 500 habitations touchées.
Communauté urbaine de Dunkerque (Nord)
Élargir le périmètre des aides financières
Mardyck (59), à quelques kilomètres de Dunkerque, c’est un peu le village d’Astérix et d’Obélix. Sauf que les 300 habitants qui y vivent ne sont pas cernés par des camps romains, mais par des sites industriels classés en leur temps « Seveso ». Le lieu est devenu un symbole. « Lors de l’élaboration du PPRT commun à notre agglomération, raconte Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la communauté urbaine, la question s’est posée : fallait-il sacrifier tout le village ? Cela aurait été un très mauvais signe. Un PPRT n’a pas pour vocation de rayer de la carte des zones habitées. On a alors fait dans la dentelle. Des maisons vont être démolies alors que celles bâties en face, non ! Inévitablement, cela a créé des incompréhensions. » Gérard Delattre, qui a fait construire il y a des années à Mardyck, confirme : « Beaucoup d’administrés s’interrogent sur les critères pris en compte ». Approuvé fin 2015, le PPRT est entré dans sa phase active. « Ce qui mobilise désormais les habitants, poursuit Gérard Delattre, c’est le nerf de la guerre : constituer un dossier afin d’obtenir les aides financières pour la sécurisation de leur logement ». Et, sur ce point, la communauté urbaine de Dunkerque est allée plus loin. « Notre PPRT prévoit des périmètres où les travaux de confortement des maisons sont obligatoires, d’autres où ils sont simplement recommandés, décrypte Cédric Ghesquières, directeur général ville et environnement. Mais pour ces derniers, le dispositif légal d’aides ne prévoit rien, ce qui nous a semblé injuste. Avec le programme Prev’Risque que nous avons initié, nous leur en fournissons une à hauteur de 50 % et dans la limite de 20 000 € (1) ». Trait qui passe au milieu d’une rue pour délimiter les zones « de danger », travaux imposés ou « conseillés »… : la solution remet un peu de cohérence dans un plan que les populations ont du mal à déchiffrer !
(1) Les frais de diagnostic préalable aux travaux sont également pris en charge à 100 %, dans la limite de 1 000 €.
NOTES
(2) Du nom de la petite ville italienne de Seveso, contaminée en juillet 1976 par un nuage toxique contenant de la dioxine qui s’était échappée d’une usine chimique. À la suite de cet incident, en 1982, l’Europe a publié une première directive sur les risques d’accidents industriels majeurs.
Arnaud de Blauwe