Maladie rares Un traitement à 2 millions de dollars
Maladie rares
Un traitement à 2 millions de dollars
Un traitement contre l’amyotrophie spinale infantile, une maladie génétique rare qui tue souvent avant l’âge de 1 an, vient d’être autorisé aux États-Unis. Son prix : 2,1 millions de dollars. La découverte qui a permis d’aboutir au traitement s’est faite en France, dans les laboratoires du Généthon, grâce à l’argent du Téléthon et aux chercheurs payés par l’État.
C’est l’histoire d’un médicament qui va sans doute sauver des enfants dont l’espérance de vie dépasse rarement les 2 ans. Le Zolgensma vient d’être autorisé aux États-Unis dans l’amyotrophie spinale infantile de type 1, une maladie génétique rare qui empêche le développement des muscles et tue les bébés atteints par incapacité à respirer. En France, deux nouveau-nés, l’un à Toulouse, l’autre à Paris, viennent de recevoir le traitement, grâce à une autorisation individuelle donnée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Les essais, toujours en cours, ont montré que si le remplacement de la séquence défectueuse du gène intervient très vite après la naissance, les enfants survivent à la maladie et peuvent même, pour certains, tenir assis ou marcher. « Parmi ceux inclus dans le 2e essai, aucun n’a aujourd’hui besoin d’assistance respiratoire », souligne la professeure Isabelle Desguerre, responsable du centre de référence neuromusculaire Necker. « Manifestement, et même s’il reste des questions, cette thérapie génique
DÉCOUVERTE DES LABORATOIRES DU GÉNÉTHON
Il n’y aurait rien à y redire si le Zolgensma n’était pas aussi le médicament le plus cher du monde. Le laboratoire Novartis, qui le commercialise, a fixé son prix à 2,1 millions de dollars, soit plus de 1,8 million d’euros. Il a beau jeu de rappeler qu’une seule injection suffit à remplacer la partie du gène qui dysfonctionne. Et qu’au final, le traitement reviendra moins cher que le précédent, qui nécessite, à vie, 4 doses par an, à 70 000 € l’unité. La vérité sur ce prix défiant l’entendement est ailleurs : il résulte avant tout d’une spéculation autour d’une découverte décisive réalisée dans les laboratoires du Généthon, propriété de l’Association française contre les myopathies (AFM).
Il faut remonter à 2007 pour comprendre la mécanique à l’œuvre. Cette année-là, « la docteure Martine Barkats et son équipe de l’Inserm trouvent un vecteur spécifique capable de franchir la barrière hématoencéphalique pour atteindre les motoneurones dans le système nerveux central », explique Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’Association française contre les myopathies (AFM). Il devient alors envisageable d’injecter une séquence d’ADN « neuve » pour empêcher l’installation de la maladie. Deux brevets sont déposés, reste à développer le traitement. Mais seule Avexis, une société américaine de biotechnologies, parvient, en 2013, à lever les fonds nécessaires. Quand, en 2018, à partir de la découverte de Martine Barkats, Avexis annonce avoir mis au point un traitement, Novartis rapplique et met le prix fort pour racheter l’entreprise : 8,7 milliards d’euros. Logiquement, le laboratoire demande aujourd’hui un prix élevé pour amortir son investissement. La situation est ubuesque : il va falloir acheter très cher un médicament qui n’aurait pas vu le jour sans la découverte faite par des chercheurs français payés par l’État, travaillant au sein d’un laboratoire associatif. Elle met cruellement en lumière l’incapacité française à faire fructifier sa recherche. « C’est ce que nous dénonçons depuis 6 ou 7 ans, explique Laurence Tiennot-Herment. Malgré les signes très encourageants du côté de la thérapie génique, nous sommes incapables de structurer une filière qui, une fois la recherche aboutie, serait en mesure d’assurer le développement et l’industrialisation. »
Le brevet étant toujours détenu par le Généthon, une part des bénéfices réalisés par Novartis reviendront dans ses caisses. L’AFM assure que ces rentrées d’argent iront intégralement à la recherche. Mais ce juste renvoi d’ascenseur ne dit pas comment le système de couverture maladie actuel pourra faire face au coût colossal du traitement. Pour le moment, c’est une enveloppe exceptionnelle qui est mobilisée pour payer le traitement par Zolgensma.
Anne-Sophie Stamane