Soldes : gare aux abus sur les prix barrés !
Certains commerçants profitent d’une réglementation laxiste pour gonfler le taux des remises pendant les soldes. N’hésitez pas à le signaler.
Aucun doute n’est permis : cette année encore, les soldes d’hiver susciteront l’incompréhension, voire la colère, chez un certain nombre de consommateurs. En cause : le prix barré. Explications avec quelques témoignages reçus lors des soldes précédents.
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-15 % affichés, -5 % en réalité
« J’avais repéré dans un magasin de meubles un miroir qui était affiché depuis six mois à 139 € hors promotion, nous rapportait Sonia en janvier 2018. J’attendais les soldes. À mon grand étonnement, celui-ci a été soldé à 50 % mais sur une base de… 220 €. » Quand la consommatrice interroge le vendeur du miroir, celui-ci lui explique avoir utilisé « une valeur moyenne du prix de l’article vendu sur Internet ». Difficile à vérifier !
Même constat de Mickael dans un magasin Boulanger :
Mickael pensait faire une économie de 15 % sur ce lave-vaisselle d’une valeur de 449 €, soldé à 381,65 €. Jusqu’au moment où il découvre la petite étiquette collée sur le rayon : le lave-vaisselle était en réalité vendu 399 € juste avant les soldes. La vraie remise ne dépasse donc pas les 5 %.
Une réglementation largement assouplie
Selon ces clients, les enseignes ont recours à de faux prix barrés pour gonfler leurs taux de remise. Il est vrai que la méthode paraît tout à fait contestable. Pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, ces commerçants n’enfreignent pas la réglementation en choisissant un prix barré qui n’est pas celui pratiqué la veille des soldes.
La réglementation avait déjà été largement assouplie il y a quatre ans : l’arrêté du 11 mars 2015laisse toute liberté au commerçant pour fixer le fameux « prix de référence ». Le texte spécifie seulement qu’il « doit pouvoir justifier de la réalité du prix de référence à partir duquel la réduction de prix est annoncée ».
Comme nous l’expliquions à l’époque, il suffit donc que le vendeur ait pratiqué un prix très élevé pendant quelques heures seulement pour qu’il puisse l’utiliser comme prix de référence.
Le prix barré peut n’avoir jamais été appliqué !
Mais cette disposition – déjà très laxiste – n’est désormais même plus applicable. « L’arrêté du 11 mars 2015 est en cours d’abrogation », nous indique la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). « Les règles qui définissaient le prix de référence, d’une part, et celles qui imposaient l’indication d’un prix de référence, d’autre part, ne peuvent plus être mises en œuvre », ajoute-t-elle.
Cette situation fait suite à l’ordonnance du 8 septembre 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui s’exprimait dans le cadre d’une action menée par Cdiscount. Le vendeur en ligne mentionne ainsi, à propos de ses prix barrés, qu’il s’agit du prix « conseillé par la marque/le fabricant » à telle ou telle date :
Dans ses conditions générales de vente, Cdiscount explique qu’il s’agit du « prix auquel le fabricant, la marque ou son représentant officiel (notamment l’importateur ou le distributeur des produits en France) nous propose/conseille de vendre le produit qu’il nous fournit ». En résumé, les prix barrés sur le site peuvent n’avoir jamais été appliqués par Cdiscount !
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Même chose chez Amazon où le prix barré est aussi le prix conseillé, mis en perspective des prix pratiqués par les concurrents :
Chez Conforama, on explique que « les prix peuvent évoluer en fonction de la politique commerciale et des conditions du marché ». Ainsi, cette chaise vendue 99,93 € fin octobre 2018 est proposée à -40 % lors des ventes privées de janvier 2019… mais sur un prix de base de 133 €, et non de 99,93 € :
Darty, quant à lui, assure que le prix barré affiché sur son site web est « le plus bas pratiqué au cours des 15 jours précédant l’opération ». Mais pour les produits vendus par d’autres vendeurs sur la « place de marché » de Darty.com, il n’y a bien souvent aucune précision sur ce que recouvre le prix barré…
Pratiques commerciales trompeuses
Bien sûr, les commerçants restent tenus de ne pas recourir à des pratiques commerciales trompeuses (articles L. 121-2 à L. 121-4 du code de la consommation). Et gonfler artificiellement les prix avant une période de soldes pour vous faire croire que vous avez bénéficié d’une réduction importante peut être considéré comme une pratique répréhensible.
Encore faut-il que l’administration puisse prouver l’infraction, ce qui se révèle assez corsé. « Il est ainsi nécessaire […] de démontrer que les éléments, indications ou présentations sont faux, erronés ou confus et ont un effet effectif ou potentiel sur l’acte d’achat du consommateur en influençant sa décision », explique le ministère en charge de la consommation dans une réponse écrite à l’Assemblée nationale publiée le 16 mai 2017.
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Pour aider la Répression des fraudes dans sa mission, n’hésitez pas à signaler à votre direction départementale chargée de la protection des populations (DDPP ou DDCSPP) toute promotion qui vous paraît abusive. Et si vous faites les soldes, ne vous fiez pas aux rabais trop importants avant d’avoir vérifié le prix du produit dans d’autres magasins ou sur d’autres sites web…