Produits de première nécessité Une facture plus lourde en raison de la pénurie
Produits de première nécessité
Une facture plus lourde en raison de la pénurie
Depuis le début du confinement, Que Choisir suit de près les prix en drive pour 104 produits de première nécessité, auprès de 10 enseignes (Cora, Auchan, Intermarché, E. Leclerc, Casino, U, Carrefour, Chronodrive et Colruyt). Ce suivi confirme deux tendances : les prix des produits de grande consommation ont très peu augmenté dans les grandes enseignes, mais l’addition s’avère plus salée pour leurs clients. Explication de ce paradoxe apparent, lié à la pénurie des produits les moins chers.
DES PRIX STABLES
Les distributeurs et la filière alimentaire l’avaient promis, ils ne profiteraient pas de la crise actuelle liée à l’épidémie de coronavirus pour augmenter les prix des produits alimentaires, d’hygiène et de nettoyage. Notre suivi hebdomadaire confirme que le prix de chaque produit considéré individuellement a peu varié (1). Ainsi, pour 104 produits de première nécessité, les tarifs affichés sur les étiquettes ont augmenté en moyenne de 0,9 % du 10 au 16 mars par rapport à la semaine précédente. Ils sont même redescendus du 17 au 23 mars, n’étant plus que 0,2 % supérieurs.
Les plus forts accroissements de prix ont concerné les petits pois, haricots, farine et emmental, les lingettes, savons et mouchoirs, ou encore les produits pour bébé et le lait. De +1 % à +2 % en semaine 1, ils se sont repliés à seulement +0,3 % à +1 % en semaine 2.
Néanmoins, ce chiffre est un peu comme le calcul de l’inflation réalisé par l’Insee : il ne correspond pas du tout au ressenti des clients quand ils passent à la caisse. Ces derniers affirment qu’ils paient leurs achats plus cher. Et ils ont eux aussi raison !
EN RAYON, IL RESTE SURTOUT LES PRODUITS LES PLUS CHERS
La faute en revient à la pénurie. La forte hausse des achats depuis trois semaines ne se répartit pas de façon uniforme sur tout le rayon : les clients prennent d’abord les produits les moins chers, lesquels sont plus rapidement en rupture de stock. Les acheteurs suivants sont donc contraints de se rabattre sur des produits plus onéreux, faute de choix. Par rapport à l’avant-confinement, davantage de produits plus chers sont donc achetés, ce qui fait grimper le prix moyen des courses. L’impact de ce cumul prix/montée en gamme est non négligeable, entraînant une hausse de 2,1 % du panier habituel pour la 1re semaine de confinement, et s’accroissant à 2,4 % au cours de la 2e semaine.
Ce sont le savon (+12 % en semaine 2), les lingettes de nettoyage pour la maison (+6 %), le lait (+6 %), l’eau (+3 %) et le pain de mie (+3 %) qui accusent les plus fortes hausses sur les commandes effectives des clients des drives.
DES RUPTURES DE STOCK PERSISTANTES
Les rayons alimentaires et de produits d’hygiène sont dévalisés quotidiennement par des consommateurs inquiets, et plusieurs produits (pâtes, riz, papier toilette, lingettes, pain de mie, emmental, œufs…) se retrouvent régulièrement en rupture de stock partielle (les produits absents étant généralement les moins chers) ou totale. La situation s’améliore néanmoins. On compte en moyenne 84 % des références disponibles en semaine 2, contre 69 % en semaine 1.
Évolution du nombre de références disponibles par rapport à la semaine précédant le confinement
Semaine 1 | Semaine 2 | |
---|---|---|
Pâtes alimentaires | 65 % | 82 % |
Riz | 67 % | 81 % |
Eau | 73 % | 98 % |
Conserves (cassoulet, couscous) | 72 % | 93 % |
Lait | 74 % | 83 % |
Papier toilette | 63 % | 86 % |
Mouchoirs | 72 % | 93 % |
Savon | 59 % | 71 % |
Gel hydroalcoolique | 23 % | 39 % |
Produits bébé | 73 % | 99 % |
Lingettes pour la maison | 56 % | 65 % |
Jambon | 74 % | 90 % |
Pain de mie | 67 % | 66 % |
Emmental | 67 % | 82 % |
Petits pois, haricots | 74 % | 94 % |
Farine | 78 % | 85 % |
Œufs | 70 % | 75 % |
Total | 69 % | 84 % |
COUP DE FROID SUR LE GEL HYDROALCOOLIQUE
Le seul produit pour lequel l’effet pénurie a joué à la baisse est le blockbuster du moment : le gel hydroalcoolique ! Suite à la publication du décret gouvernemental encadrant son prix, les références les plus onéreuses ont été sorties des rayons, celles légèrement au-dessus du plafond de prix se sont réalignées à la baisse sur ce plafond, et les moins chères n’ont pas bougé. Résultat : une déflation des prix de 8 % en semaine 1 par rapport aux deux semaines précédant le confinement. S’est ajouté à cela un effet « descente en gamme » : le nombre de références disponibles a reculé de 75 %, et notamment les plus onéreuses. En cumulant ces deux effets « prix » et « gamme » du produit, le prix moyen des produits restés en rayon s’est effondré de 22 % en semaine 1 !
(1) Cette moyenne ne signifie pas qu’il n’y a pas quelques excès localement.
Elsa Casalegno
Grégory Caret
Observatoire de la consommation