Pratiques anticoncurrentielles Apple écope d’une amende de 1,1 milliard d’euros
Pratiques anticoncurrentielles
Apple écope d’une amende de 1,1 milliard d’euros
Jamais l’Autorité de la concurrence n’avait infligé une telle sanction à une entreprise. Apple vient d’écoper d’une amende de 1,1 milliard d’euros pour des pratiques anticoncurrentielles envers certains distributeurs. Ses deux grossistes Tech Data et Ingram Micro, également impliqués, sont aussi punis à hauteur de 76,1 et 62,9 millions d’euros respectivement. Apple va faire appel de cette décision, qu’elle juge « profondément regrettable ».
L’affaire remonte à 2012 et à une plainte du distributeur eBizcuss qui avait encore, alors, une activité en France. Depuis, l’entreprise s’est recentrée sur la Belgique avec les boutiques Mac Line. Mais à l’époque, elle était le premier revendeur Apple dans le pays via ses boutiques ICLG, aux premières loges pour observer les pratiques d’Apple concernant la distribution de ses produits. eBizcuss avait ainsi saisi l’Autorité de la concurrence pour dénoncer le caractère anticoncurrentiel de plusieurs d’entre elles. Huit ans plus tard, le régulateur rend ses conclusions et sanctionne le fabricant d’une amende record de 1,1 milliard d’euros. « L’Autorité a décrypté, à l’occasion de cette affaire, les pratiques très particulières qui avaient été mises en œuvre par Apple pour la distribution de ses produits en France (hors iPhone), tels que l’iPad », explique Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence.
ENTENTE ENTRE GROSSISTES, PRIX IMPOSÉS ET ABUS DE DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE
Cette amende sanctionne d’abord l’entente passée entre Apple et ses deux seuls grossistes, Tech Data France et Ingram Micro, pour ne pas se faire concurrence. Entre 2005 et 2013, Apple a en effet réparti les produits et les clients (les boutiques) entre les deux grossistes, en précisant à chacun les quantités exactes de chaque produit qui devaient être livrées à chaque revendeur. Tech Data France et Ingram Micro ont d’ailleurs été sanctionnés pour avoir marché dans la combine, à hauteur de 76,1 et 62,9 millions d’euros respectivement.
Ensuite, Apple a « fortement incité » certains revendeurs, les APR (Apple Premium Reseller, lire encadré), à pratiquer strictement les mêmes prix que dans les boutiques Apple Store. Le revendeur Youcast (qui a déposé le bilan depuis) expliquait que « si nous appliquions des remises trop systématiques et si le commercial de notre secteur le savait, nos concurrents pouvaient être privilégiés dans leurs livraisons ».
Enfin, souligne l’Autorité, « un enchevêtrement complexe de multiples clauses contractuelles et de pratiques » a placé les revendeurs dans une situation de dépendance économique par rapport à Apple. Un exemple parmi d’autres, la distorsion de concurrence entre le site Internet d’Apple, constamment fourni, et les boutiques lorsque celles-ci subissent intentionnellement un retard de livraison en produits Apple.
APPLE VA FAIRE APPEL
Sans surprise, Apple, qui a déjà versé 25 millions d’euros à la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) il y a moins de 2 mois dans une affaire de pratique commerciale trompeuse, a annoncé qu’elle allait faire appel. « La décision de l’Autorité de la concurrence est extrêmement regrettable. Elle concerne des pratiques qui remontent à plus de dix ans et ignore trente ans de principes de droit solidement établis sur lesquels l’ensemble des entreprises en France s’appuie », conteste l’entreprise.
FOCUS : LA DISTRIBUTION DES PRODUITS APPLE
Apple vend ses produits elle-même, via son site Internet et ses boutiques Apple Store. L’entreprise s’appuie aussi sur un réseau français de 2 000 revendeurs à qui elle fournit des produits par l’intermédiaire de ses deux grossistes agréés (Tech Data France et Ingram Micro).
On trouve ainsi les produits Apple chez les grands distributeurs généralistes (Auchan, Carrefour, E. Leclerc, etc.) ou spécialisés (Fnac, Darty ou encore Boulanger), ainsi que chez des vendeurs plus spécialisés et plus modestes. Ces derniers sont soit de « simples » revendeurs, qui vendent les iPad, les Apple Watch, les Mac et autres accessoires parmi d’autres produits d’électronique, soit des « Apple Premium Reseller » (APR), c’est-à-dire des boutiques qui ont des accords plus étroits avec Apple. Ces APR ne vendent que des produits Apple et décorent leurs boutiques comme Apple leur demande. eBizcuss était de ceux-là, et d’autres chaînes réparties partout en France existent, comme ActiMac (Caen, Le Havre, Rouen) ou IConcept (Pau, Bordeaux, Limoge, Pessac, Toulouse, Bayonne).
Camille Gruhier