Coronavirus Pas de pénurie alimentaire à craindre
Coronavirus
Pas de pénurie alimentaire à craindre
Malgré des ruptures de stocks pour certaines denrées de base, la famine ne menace pas les Français en ces temps d’épidémie de Covid-19. Les filières agroalimentaires assurent pouvoir continuer à produire, moyennant des ajustements.
Des rayonnages de magasins vidés de pâtes, riz et sardines à l’huile, des clients de grandes surfaces avec des caddies remplis de yaourts, de bouteilles d’huile ou de boîtes de conserve… Des photos de ce genre circulent abondamment sur les réseaux sociaux. Sur Internet, les escrocs s’en donnent à cœur joie. Ainsi, une boutique répondant au nom de « Franc shopping » propose sur Amazon des lots de quatre paquets de coquillettes de 500 grammes pour… 28 € ! Les achats de pâtes et de couscous ont doublé, ceux de riz ont été multipliés par 2,5. D’autres produits sont également plus demandés, quoique dans des proportions moindres, à l’instar des charcuteries et des plats cuisinés, en hausse de 20 à 30 % chez Fleury Michon.
Pourtant, le gouvernement et les distributeurs répètent à l’envi que les aliments ne manqueront pas dans les prochaines semaines. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire l’a assuré dimanche 5 mars : « La sécurité d’approvisionnement en produits alimentaires et de première nécessité est garantie dans les jours et les semaines à venir […]. 90 à 95 % des références sont disponibles. » Même si des ruptures de stocks sont constatées quotidiennement dans de nombreux commerces, les magasins sont réapprovisionnés tous les jours. Que Choisir a interrogé les géants de l’agroalimentaire, aucune pénurie ne semble se profiler.
LES USINES AGROALIMENTAIRES TOURNENT PLEIN POT
« Les usines Panzani fonctionnent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour répondre au doublement de la demande », explique le directeur général du groupe, Xavier Riescher, à Que Choisir. Il n’y a pas d’usines de pâtes à l’arrêt, ni en France, ni d’ailleurs en Italie. » Chez Fleury Michon, la fabrication est passée de 5 à 6 jours par semaine. Pour « garantir la chaîne d’approvisionnement », des assouplissements aux réglementations du travail (sur les heures supplémentaires, le travail de nuit…) sont prévus, a d’ailleurs promis Bruno Le Maire. Et les salariés bénéficient des dérogations sur les restrictions de circulation. Peu manquent à l’appel actuellement, soulignent tous les industriels interrogés, qui ont parfois fait revenir leurs jeunes retraités. Et si besoin, « une foule d’étudiants désœuvrés sont prêts à mettre la main à la pâte », selon une agence d’intérim. Cette situation est donc gérable sur quelques semaines, et tant qu’il n’y pas trop de personnel malade… Un acteur de la filière fruits et légumes explique : « On est sur le pont, mais sereins. Il n’y aura pas de problème globalement, même si nous ne produirons plus certaines références anecdotiques, comme les mélanges de salades. »
Les transformateurs ont aussi dû s’adapter à la fermeture de plusieurs débouchés (cantines scolaires, restauration commerciale, fast-food…) et à l’explosion de la demande en grande surface. Car entre les deux, les produits ne sont pas toujours identiques : « La façon de couper la salade, par exemple, ou le conditionnement (taille des sachets) ne sont pas les mêmes, explique le responsable d’une usine de fruits et légumes. Mais nos usines sont adaptables – nous recevons des légumes très différents selon la saison. » Concernant les produits laitiers, les achats par les filières de restauration collective ont chuté de 60 %, mais « tous les circuits ont été réorientés vers la grande distribution en un temps record », se félicite l’interprofession laitière (Cniel). Chez Panzani, les process ont été simplifiés, et seuls 40 des 120 modèles de pâtes, les plus rapides à élaborer, sont encore fabriqués. Fini, les farfalles, qui demandent un temps de moulage, pressage et modelage deux fois plus long que les simples coquillettes !
LA FRANCE, UNE PUISSANCE AGRICOLE
Côté approvisionnement, pas d’inquiétude à avoir non plus : n’oublions pas que la France est une puissance agricole ! Bonduelle explique ainsi que tous ses producteurs sont situés à moins de 200 km de ses usines, et que de toute façon, il y a encore des stocks suffisants de la dernière récolte en attendant la prochaine. Côté lait, la collecte se poursuit normalement pour le moment. Les transports de denrées alimentaires bénéficiant de dérogations pour circuler, nos légumes ou nos jambons importés d’Espagne entrent encore sur le territoire. Quant aux Grands moulins de Paris, ils « ont des stocks et continuent à fonctionner à peu près normalement » sur la récolte de céréales de 2019. Chez Panzani, Xavier Riescher nuance : « Nous n’avions pas prévu de doublement de la demande. À ce rythme, nous ne tiendrons pas jusqu’à la prochaine récolte sur nos stocks. » Mais s’il le faut, les coopératives agricoles puiseront dans leurs réserves pour alimenter les fabricants, en attendant les moissons 2020. Pour autant, le patron de Panzani ne s’alarme pas outre mesure : il prévoit que les achats vont vite redescendre à un niveau plus normal. « Les gens ne mangeront pas deux fois plus ! Les stocks sont faits, ils seront consommés et renouvelés peu à peu. En Italie aussi, il y a eu un pic d’achats au début de la crise, puis cela s’est régulé. Ce phénomène est compliqué à gérer pour les fabricants et la distribution. Les gens peuvent avoir l’impression qu’il y a pénurie, alors que les stocks sont en réalité chez eux ! »
DES MESURES D’HYGIÈNE EN MAGASINS
Dans les magasins, les distributeurs devraient mettre en place un certain nombre de mesures, recensées dans un « guide des bonnes pratiques » :
- les caisses seront équipées de vitres en plexiglas ;
- des vigiles seront recrutés pour organiser les files d’attente selon les consignes de biosécurité (intervalle d’au moins un mètre entre les personnes) ;
- du gel hydroalcoolique sera mis à disposition…
SUCCÈS POUR LE CIRCUIT COURT
Les magasins de producteurs et la vente directe à la ferme voient leur fréquentation exploser depuis le début de la crise. Une bonne chose, alors que les cantines scolaires, qui sont un débouché en pleine croissance pour des agriculteurs travaillant en circuit court, ont fermé.
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Elsa Casalegno